Point de droit 5 - Champagne

 

Point de droit alimentaire 5 © Copyright

 

 

Le champagne est-il du vin ?

 

 

 

CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE LONGJUMEAU

 

Audience publique du 07 Janvier 2002

 

M. Christophe X., demandeur

C/

La Société Y, défenderesse,

 

PROCEDURE

 

- Date de la réception de la demande : 10 Novembre 2000

- A l’audience non publique du Bureau de Conciliation du 18 décembre 2000 (convocations envoyées le 10 novembre 2000) l’affaire a été renvoyée à l’audience non publique du bureau de conciliation du 12 février 2001 (émargement des parties)

- A l’audience non publique du Bureau de conciliation du 12 février 2001, l’affaire a été renvoyée devant le Bureau de jugement du 03 septembre 2001 avec délai de communication de pièces

- A l’audience publique du bureau de Jugement du 03 septembre 2001, l’affaire a été plaidée, puis mise en délibéré et le prononcé de la décision fixé à la date du 26 novembre 2001

- A l’audience publique du 26 novembre 2001, le prononcé de la décision a été prorogé à la date du 17 décembre 2001

- A l’audience publique du 17 décembre 2001, le prononcé de la décision a été prorogé à la date du 07 janvier 2002

- Décision prononcée à l’audience publique du 7 Janvier 2002 par Monsieur Joseph SCHOCK (S) assisté de Madame Dominique GEY, Greffier

A la clôture des débats, les demandes formulées par Monsieur Christophe X. sont les suivantes

- Dommages et intérêts pour licenciement abusif : 7 622,45 Euros

- Préavis : 1 313,96 Euros

- Congés payés sur préavis : 131,40 Euros

- Indemnité conventionnelle de licenciement : 492,73 Euros

- Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile : 911,65 Euros

 

LES FAITS

 

Monsieur Christophe X. a été engagé par la société Y., en qualité d’éducateur sportif le 9 octobre 1997 par un contrat à durée indéterminée verbal à temps partiel.

La société compte moins de 11 salariés et applique la convention collective nationale de l’animation socioculturelle.

En date du 26 juillet 2000, Monsieur Christophe X.  a saisi le conseil de prud’hommes en sa formation de référé pour obtenir le paiement de primes d’ancienneté et d’indemnités journalières non perçues. Par ordonnance du 28 septembre 2000 le conseil de prud’hommes a fait droit aux demandes du salarié.

Par lettre du 11 septembre 2000, Monsieur Christophe X. est licencié.

 

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

 

  • Monsieur Christophe X. déclare que :

Depuis son embauche dans la société il n’a jamais eu le moindre reproche sur la qualité de son travail et son sérieux professionnel.

Suite à une demande de paiement sur des éléments de salaire, son employeur a apparemment décidé de monter de toute pièce une procédure de licenciement à son encontre.

A l’occasion de son anniversaire, il a décidé d’offrir à ses clients et à son directeur une coupe de champagne.

Il a invité son directeur à cette occasion.

Il précise que son employeur n’est pas venu lors de cette invitation mais n’a pas formulé d’objection.

A cette occasion il a amené sur le lieu de travail une bouteille de champagne.

Par lettre du 11 septembre 2000 Monsieur Christophe X. s’est vu licencié pour les motifs suivants :

- le 28 juillet 2000 à 20 h 10, Monsieur Christophe X. a organisé une fête sur le lieu du travail sans y être autorisé, avec consommation de champagne ;

Il considère que son travail a été effectué dans des conditions normales et qu’à la fin des cours il a partagé une bouteille de champagne avec ses clients.

Qu’au lieu de considérer son comportement comme reprochable il y aurait tout lieu de considérer qu’il liait des relations commerciales supplémentaires avec la clientèle.

 

  • La Société Y. déclare :

Que Christophe X. a été convoqué un entretien préalable par courrier du 26 août 2000 pour le 5 septembre 2000.

Que Monsieur Christophe X. était en congés du 1 au 31 août 2000.

Qu’il est reproché Monsieur Christophe X. une faute dont le motif figure dans la lettre licenciement. Que ces faits ont eu lieu avant son départ en congés.

Que la faute est parfaitement démontrée et dès lors la mesure de licenciement est parfaitement fondée.

 

EN DROIT

 

Sur le licenciement pour faute grave :

La société doit apporter selon les dispositions de l’article L. 122-4 du code du travail la justification réelle et sérieuse du motif de licenciement.

L’article L. 122-14-3 du code du travail précise qu’il appartient au Juge d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement au vu des éléments communiqués par des parties. Que si un doute subsiste, il profite au salarié ;

Selon les dispositions de l’article L. 23 2-2 du code du travail, il est possible d’introduire sur le lieu du travail du vin, de la bière, du cidre, du poiré, et de l’hydromel non additionnés d’alcool.

Selon la doctrine, notamment DROIT ET GASTRONOMIE par l’éminent juriste Monsieur Jean-Paul BRANLARD, il y a tout lieu de reconnaître que le champagne est un vin blanc connu par le lieu géographique de sa production.

Que c’est donc du vin qui a été consommé sur le lieu du travail avec notification préalable à l’employeur.

Que le fait de partager un verre de champagne sur le lieu du travail à la fin d’un cours n’est pas de nature à porter un préjudice quelconque à l’entreprise.

Qu’un tel usage dans la société française n’est pas un comportement reprochable.

Qu’il n’y a eu aucune plainte de la part de la clientèle contre la nature de cet événement.

Que le pouvoir de direction n’était nullement mis en cause par cette action.

Le Conseil considèrera que ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

 

Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive :

En application de l’article L. 122-14-5 du Code du Travail, perdre indûment son emploi crée nécessairement un préjudice. L’écart entre la rémunération par l’Assedic et l’ancien salaire est de nature à être pris en compte comme préjudice.

Dans le cas d’espèce, Monsieur Christophe X. a une ancienneté de trois ans...

Le Conseil accédera partiellement à cette demande.

Sur la demande d’indemnité de préavis et congés payés afférents

Selon les dispositions de l’article L. 122-6 du code du travail, un salarié a droit après deux ans d’ancienneté au paiement d’une indemnité égale à la totalité des rémunérations qu’il aurait perçue s’il avait travaillé pendant deux mois.

Le Conseil accédera à ces demandes.

Sur la demande d’indemnité conventionnelle de licenciement

Selon les stipulations de la convention collective applicable, de part sa présence de trois ans d’ancienneté dans la société (préavis inclus) Monsieur Christophe X. a droit à une indemnité conventionnelle de licenciement de 3 232,12 francs.

Le Conseil accédera à cette demande.

Sur la demande au titre de l’article 700 du NCPC

Le Conseil considérera inéquitable de laisser la totalité des frais engagés à la charge du demandeur.

Le Conseil accédera partiellement à cette demande.

 

PAR CES MOTIFS

Le Conseil, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la Société Y. prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur Christophe X. :

- 25.854,00 Frs soit 3941,42 EUROS (TROIS MILLE NEUF CENT QUARANTE ET UN EUROS ET QUARANTE DEUX CENTS) à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 2.500 Frs soit 381,12 EUROS (TROIS CENT QUATRE VINGT EUROS ET DOUZE CENTS) au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- 8.619,00 Frs soit 1.313,96 EUROS (MILLE TROIS CENT TREIZE EUROS ET QUATRE VINGT SEIZE CENTS) au titre de l’indemnité de préavis ;

- 861,90 Frs soit 131,40 EUROS (CENT TRENTE ET UN EUROS ET QUARANTE CENTS) à titre de congés payés afférents sur préavis ;

- 3.232,12 Frs soit 492,73 EUROS (QUATRE CENT QUATRE VINGT DOUZE EUROS ET SOL &NTE TREIZE CENTS) à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement;

DEBOUTE Monsieur Christophe X. du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE la Société Y. prise en la personne de son représentant légal, aux dépens, y compris ceux afférents aux actes et procédures éventuels d’exécution…

 

 

*

L’appel interjeté contre ce jugement du Conseil des prud’hommes de Longjumeau a été rejeté par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du  22 octobre 2003

 

Il est fait une exacte application des dispositions de l’article L. 232-2 du Code du travail aux termes duquel : " Il est interdit à toute personne d’introduire ou de distribuer et à tout chef d’établissement, directeur, gérant, préposé, contremaître, chef de chantier et, en général, à toute personne ayant autorité sur les ouvriers et employés, de laisser introduire ou de laisser distribuer dans les établissements, et locaux mentionnés à l’article L. 231-1, pour être consommées par le personnel, toutes boissons alcooliques autres que le vin, la bière, le cidre, le poiré, l’hydromel non additionnés d’alcool ".

 

Il y a donc lieu d’approuver cette sage décision des conseillers prud’hommes : « Il y a tout lieu de reconnaître que le champagne est un VIN blanc… ». Ces juges tirent leur nom – faut-il le rappeler - de « Hommes prudes, Hommes sages » !

 

 

Jean-Paul Branlard

Intronisée par la Confrérie de L'Ordre des Coteaux de Champagne

 

 

*

 

© 2024