Point de droit 1 - Provenance

 

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Les mots du Dictionnaire de

l’Académie Française du chocolat et de la confiserie :

 

« PROVENANCE »

 

Provenance n. f. (mot dont le Littré dit « qu’on en ignore la provenance » ! Lieu d’où vient ou provient une chose. L’utilisation d’un nom géographique pour la désignation d’un produit alimentaire relève soit de la notion d’appellation d’origine*, soit de celle (hors IGP*) d’indication de provenance qui ne bénéficie d’aucune définition officielle. Cette dernière, catégorie résiduelle, non enregistrable, a seulement pour objet de désigner le lieu de production, de préparation ou de fabrication d’un produit sans garantir, contrairement à l’appellation d’origine, aucune qualité particulière tenant au lieu (climat, sol, faune, flore…) et/ou aux modes de production ou d’élaboration. L’indication de provenance se borne donc à signaler le lieu d’où émane le produit. D’aucuns considèrent que protéger la provenance géographique en tant que tel n’a pas de sens : le consommateur ne se souciant généralement pas de la provenance pour la provenance. Mais, dans la crise de la « vache folle» la mention de la provenance a rassuré le consommateur ! Certains produits traditionnellement désignés par des noms géographiques de lieux où, à une certaine époque ils ont pu trouver leur origine, ont perdu leur encrage initiale et ne servent plus qu’à désigner un genre de produits élaborés - en quelque lieu que ce soit - selon une recette duplicable partout ailleurs (exemple de tels génériques non constitutifs d’indications de provenance : biscuits de Savoie, nougats de Montélimar : Cour de cassation 24 oct. 1928). Le droit communautaire interdit de réserver aux produits nationaux des dénominations de provenance lorsqu’il s’avère que ces dénominations sont devenues génériques (CJCE, 20 février 1975, eaux-de-vie allemandes). Catégorie intermédiaire se plaçant entre indication géographique protégée (IGP*) et dénomination générique, l’indication de provenance, tout comme l’appellation d’origine¸ mais dont la notion est plus générale et moins affinée, est toujours une dénomination géographique contrairement à la marque qui peut être de fantaisie et qui est toujours un droit privatif, alors que l’indication de provenance est à la disposition de tous les producteurs de la région. La provenance géographique à laquelle elle fait référence peut, par ailleurs, être utilisée pour tous les produits provenant de la région ainsi désignée quels que soient les moyens et techniques de fabrication utilisés et non soumis au respect d’un quelconque cahier des charges. Ainsi jugé, que « Beurre de Surgères » constitue une indication de provenance dès lors qu’elle est mise à la disposition de tous les producteurs qui se tiennent dans cette aire agricole (C. cass. 22 nov. 1955). Il suffit, d’une part, que cette origine géographique soit exacte, c’est-à-dire que les produits proviennent effectivement de la région indiquée (cf. Nancy, 16 janvier 1991, à propos de madeleines de Commercy) et, d’autre part, qu’elle ne soit pas susceptible d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du produit ou de détourner ou d'affaiblir la notoriété d'une dénomination reconnue comme appellation d'origine ou enregistrée comme indication géographique protégée (laquelle est beaucoup plus qu’une simple indication de provenance) ou comme spécialité traditionnelle garantie… article L. 643-2 Code rural qui, toutefois, ne s'applique pas aux spiritueux. La fausse indication de provenance est sanctionnée pénalement (textes généraux réprimant les fraudes, comme la tromperie sur l’origine ou sur les qualités substantielles et dispositions particulières, tel l’article L. 217-6 C. consom. issue de la loi du 26 mars 1930). Certaines indications de provenance sont toutefois soumises à des conditions particulières d’utilisation (« vin de pays » et indication de « provenance montagne »). Le qualificatif « cru » doit être réservé aux cacaos ayant une indication de provenance géographique clairement identifiée : le terme « cru » doit être suivi immédiatement d’une indication de provenance, c’est à dire du nom d’une région ou d’une ville, à l’exclusion d’un Etat. Car, « avec l’extension de l’aire de culture du cacao, la provenance, plus encore que la taille des fèves, devint le critère déterminant », Nikita Harwich, Histoire du chocolat, Ed. Desjonquer, 1992, p. 111. Enfin, il résulte de notre réglementation étiquetage des produits préemballés (article R. 112-9 – 8° C. consom.), que l’indication du lieu de provenance devient obligatoire lorsque  son omission serait susceptible d’induire en erreur le consommateur sur le lieu de provenance réel de la denrée alimentaire (ex., pour des chocolats « recette belge » confectionnés en France, la mention « fabriqués en France » doit être indiquée. Dans tous les autres cas, l’indication du lieu de provenance est, en principe, facultative pour les opérateurs.

 

Pour en savoir plus : Regard d'un juriste français sur le chocolat, dans « Droit et Gastronomie : aspect juridique de l’alimentation et des produits gourmands », Editions L.G.D.J.-Gualino & L'Eurochocolat : le point sur le projet de réforme de la directive chocolat, suite...sans fin.

 

Jean-Paul Branlard

Académie Française du Chocolat et de la Confiserie

Académicien - Fauteuil n° 40

 

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